Les premiers kilomètres nous font traverser des pâturages de zébus noirs, bruns, gris, puis des plantations de tecks : les jeunes arbres sont reconnaissables à leurs énormes feuilles vert vif, et des plantations d’ylang-ylang au parfum entêtant ; leurs troncs sont pliés comme des bonzaïs pour faciliter la cueillette.
Puis le sentier longe les rives du lac Ampahibe, l’un des nombreux lacs volcaniques de l’île. Sous les gros arbres la température est douce. Montées et descentes, le sentier revient dans les pâturages. Bien qu’il ne soit que 9 heures, la chaleur pèse déjà sur mes épaules. La campagne a fait place à la forêt. A un carrefour, un petit panneau à droite indique : 25 kilomètres... mais je dois continuer tout droit : je cours le 45 kilomètres. Désormais je ne verrai plus aucun coureur, ni devant ni derrière moi. Mais j’apprécie cette forme de solitude. Le chemin, large, relie les nombreux petits villages, 2, 3, 4 cases, parfois une seule. La piste est bordée de centaines d’énormes manguiers sauvages pliant sous les fruits. Les mangues oblongues vont du vert vif à l’orange. Leur parfum, intense et sucré, me devient au fil des kilomètres à cause de l’odeur surie des fruits tombés à terre. Il fait si chaud que je ne parviens plus à courir, juste à trottiner. D’un ravitaillement à l’autre j’engloutis plus d’un litre d’eau.
Tous mes sens sont en alerte, et pas seulement pour ne pas perdre le balisage. Un serpent rayé jaune et brun, traverse la piste : un boa ! Les crépitements dans les buissons : de gros lézards qui courent. Des pigeons rouges volent de branche en branche. Les aboiements étouffés des lémuriens se répondent au profond des la forêt ; si je prenais le temps de m’arrêter, je pourrais les voir. Des villageois me regardent passer, certains me lancent : « Courage » « Bonne chance » ; nul doute qu’ils trouvent insensé de courir ainsi en pleine chaleur, alors que pour eux la vie est si précaire et difficile... Un petit garçon vêtu d’un short, pieds nus, chemine devant moi. Dès que j’essaie de le dépasser il pousse un sprint et me dépasse avec aisance..