En quête de grands espaces où la nature n'ait pas encore été abîmée par la présence humaine, après le Svalbard en 2016, je choisis le sud du Groenland, la région du fjord de Tunulliarfik
Groenland : à la rencontre des Inuits et d’Erik le Rouge
Trek réalisé en août 2017
Remonter le cours du temps…
Première étape : le village de Qassiarsuk, qui a vu à la fin du Xe siècle arriver Erik le Rouge et ses Vikings. On peut imaginer les drakkars abordant à ce qui est de nos jours un petit débarcadère accessible aux Zodiacs, ces bateaux à double moteur rustiques et polyvalents. Le village se résume à l'auberge de jeunesse où nous dormirons, un magasin proposant le ravitaillement et l'outillage indispensables à la vie quotidienne, une église luthérienne et une grande ferme. En contre haut du village, les ruines de la première église, celle du fils d'Erik, Leif, et les vestiges d'un igloo inuit à demi enterré me plongent dans un passé évalué à 1500 avant notre ère...
La première randonnée du trek nous fait remonter une ancienne vallée glaciaire, immense : la Vallée des Mille Fleurs : véronique, campanule, linaigrette et épilobe jaune -emblème du pays- illuminent la toundra parmi les arbres nains, saules et bouleaux, hauts de quelques centimètres seulement car ils peinent à pousser dans cet environnement froid et sombre.PHOTO 3 Une rude ascension, équipée d'une ancienne main-courante, mène à un point de vue grandiose sur le « glacier tiède », Kiattut Sermiat, qui paraît si proche alors qu'il est en fait à deux heures de marche. La pluie se met à tomber, la température passe brutalement de 12 à 8 degrés.
Deux jours plus tard nous quittons Qassiarsuk pour Tasiusaq. La toundra s'étend devant nous, brune et verte, vallonnée, ponctuée de lacs. Le sentier, à peine marqué sur les premiers kilomètres, disparaît bientôt dans la végétation. Seul le GPS permet de s'orienter. Des moutons, une race de grande taille, dont l'élevage constitue le principal revenu des Groenlandais de la région, paissent en liberté aux côtés de chevaux à la robe isabelle. Une harde de caribous surgit au loin : leur ouïe et leur odorat, plus subtils que leur vue, leur ont signalé notre présence. Sous la conduite du grand mâle femelles et faons décrivent une boucle autour du lac afin de gagner les pentes de la montagne, où ils se sentent à l'abri.
Villages au bord des fjords
En fin d'après-midi le village de Tasiusaq se découvre : deux fermes, occupées par la même famille, au bord d'un fjord à l'eau grise et immobile peuplée d'icebergs. Malgré le ronflement d'un tracteur et les jeux des border collies, tout semble figé dans une démesure horizontale. Etrange comme le paysage groenlandais est à la fois beau et sinistre, apaisant et vaguement hostile. J'ai du mal à imaginer la vie de ces paysans lorsque la neige et la glace ont envahi le fjord et la campagne.
Le gîte, une grande maison de bois clair chauffée par un vieux poêle à bois, est tenu par un homme seul, garde-forestier, de mi-juin à mi-septembre. L'absence de confort : ni eau chaude ni électricité dans les dortoirs, est compensée par la beauté austère du paysage et l'atmosphère de sérénité de l'auberge. Tous les gîtes et les camps devront être fermés ou démontés à partir de mi-septembre : les Groenlandais refusent que les étrangers s'installent de façon pérenne sur leur territoire comme ils refusent l'exploitation des ressources en métaux rares et en pierres semi-précieuses.
Une Marche d'exception
La dernière partie du trek, que j'attends avec impatience, est le fameux camp de glace à Qaleralik : des tentes rondes posées sur un vaste espace de sable né du frottement, durant des millénaires, des glaciers. Le Zodiac nous amène au plus près des deux glaciers, au plus près car l'eau de fonte jaillit avec une force incroyable tandis que le vêlage de la glace précipite dans l'eau d'énormes masses qui deviendront des icebergs. Les couleurs sont des bleus intenses et transparents, d'une beauté envoûtante.
La navigation est délicate entre les icebergs dont le retournement, brutal, imprévisible, pourrait nous faire chavirer. Un groupe de grosses mouettes arctiques, au dos gris-brun, est posé sur des icebergs plats. Des phoques, les gros phoques carnivores du Groenland pesant plus de 120 kilos, dressent leur tête hors de l'eau. Nous abordons au pied du glacier Kujalleq. Crampons et casque sont obligatoires. A la suite du guide nous commençons à remonter la calotte glaciaire vers le Nord... Je suis fascinée par la pensée que cette surface glacée s'étend sur 1 710000 km2, inhabitée, intacte encore... Au Groenland plus qu'ailleurs la menace du réchauffement climatique rend ce moment du trek plus exceptionnel.
Le Royaume Des Glaces
Une dernière traversée en Zodiac nous conduit à Narsarsuaq, où se trouve le petit aéroport. Les trois vols hebdomadaires vers l’Islande ne rompent pas la tranquillité de la ville. L’avion, un Bombardier canadien à hélices, offre une vue sublime de la calotte glaciaire, où les vents catabatiques dessinent d’imprévisibles formes géométriques. Des montagnes noires émergent des glaces et des neiges comme pour toucher l’appareil et nous retenir.
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